vendredi 19 octobre 2007

Roman : Mathilde et son pianiste



Mathilde, passionnée de musique, a décidé de passer ses vacances d’été à Chantonnay, petit village vendéen. Elle sait qu’elle habillera sa solitude d’activités diverses, repos, mais aussi de son imaginaire débordant.
Ainsi, dès le début de son séjour, elle rencontre Édith, que son mari, Pierre O., célèbre pianiste, doit rejoindre. Or, sans nouvelles de ce dernier, celle-ci s’inquiète et n’hésite pas à solliciter Mathilde à qui elle se confie. Que signifient ces messages qu’elle reçoit et qu’elle est incapable d’interpréter ?
Mathilde n’hésite pas à lui apporter son soutien et ses connaissances en matière de musique. Elle suit les indices musicaux qu’on lui présente, comme d'autres suivraient une carte ou un plan. Que cache sa recherche ? Parviendra-t-elle à élucider le mystère qui entoure la disparition du pianiste

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Extrait

Ce prélude de Chopin, elle l’avait souvent joué, avec pour public son chat et ses voisins. Son chat adorait la musique. Du moins en était-elle persuadée. Elle lui prêtait, cela allait sans dire, un goût particulier pour le piano et pour la pile de partitions silencieuses qui trônait sur le sien, tranquille poste de guet.
Pierre O., lui, devait l’avoir joué encore plus souvent, mieux certainement, et devant un public averti ou admirateur, ou les deux à la fois. Pouvait-il être insensé, ce fax envoyé au domicile d’un pianiste ?
Édith interrogea sa visiteuse du regard. N’y tenant finalement plus, elle commença à se laisser aller à quelques confidences. Elle parla de longues minutes sans s’arrêter. Pierre, son mari (elle adorait dire cela, « mon mari »), n’avait pas donné signe de vie depuis plusieurs jours. Cela, elle l’avait déjà dit, sur un ton plus détendu. Il lui avait expliqué qu’un travail urgent et extrêmement important le retenait à Paris, pour tout au plus trois jours. Cela ne devait pas empêcher Édith de le précéder en Vendée, où ils avaient décidé de passer les vacances de monsieur et madame Tout-le-monde. Compréhensive et tolérante, Édith était donc partie. Elle commençait à trouver le temps long. Elle s’ennuyait.
Mathilde comprit la perche lancée la veille à la baignade. Elle ne s’en offusqua pas. Elle-même trouvait de l’agrément à cette rencontre. Elle désirait entretenir cette nouvelle relation, montrer qu’elle s’intéressait à Édith. Les questions ne manquaient pas.
Pierre avait-il l’habitude de s’absenter ainsi ? De rester sans donner de nouvelles ? Édith expliqua qu’elle avait tenté de le joindre sur son portable, de joindre certains de ses amis, son agent, « qui est un ami », s’empressa-t-elle de préciser. Personne n’avait été capable de lui donner de nouvelles. Pour tous, la présence de Pierre auprès d’elle ne faisait aucun doute ! Il lui était déjà arrivé une fois de « disparaître » trois jours sans donner signe de vie.
– C’est un artiste, ajouta-t-elle comme pour justifier ce comportement. J’ai lu quelque part qu’Agatha Christie avait disparu plusieurs jours quand elle était jeune…
Était-ce une façon de se rassurer ? Elle était revenue de son « escapade » bien sûr, donc cela pouvait effectivement être rassurant. Qu’est-ce que trois jours pour un artiste ?
Ni plus ni moins que pour elle-même, pensa Mathilde, acceptant malgré tout les arguments d’Édith. Elle les faisait même siens, décidée à s’impliquer pleinement dans le récit de cette femme calme et si compréhensive. C’était le fax reçu le matin qui l’avait perturbée. Il faisait trembler l’édifice rassurant dont, attentive et patiente, elle paraissait s’entourer. Mathilde le comprenait et n’avait pas l’ombre d’un soupçon sur la fidélité de Pierre. Une aventure extraconjugale était à exclure. « Je n’imagine même pas un coup de foudre », avait affirmé Édith, comme pour anticiper une remarque de Mathilde. Pierre avait la tête froide, sa carrière était primordiale et son couple était le garant d’une vie équilibrée. Elle écartait donc cette hypothèse.
– En quoi puis-je vous être utile ? s’enquit Mathilde. Je vous comprends si vous vous sentez seule… Je suis seule aussi.
Son regard revint sur le fax. Elle s’enhardit :
– C’est peut-être un message…
– Auriez-vous une idée de ce qu’il signifie ? demanda Édith, réponse qu’attendait, espérait, Mathilde.
Elle ne savait pas qu’elle mettait à cet instant le doigt dans un bel engrenage.


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